Tentes nomades : quand la charpente en bois devient métallique pour réduire le déboisement

Avr 20, 2023 | ACTUALITÉS

Louwa Goukouni Hassane s’asseoit volontiers avec notre responsable communautaire et le traducteur aux pieds de la nouvelle tente que sa famille a offert à sa fille Amina pour son mariage. La structure, recouverte de nattes en paille, s’érige à côté de celles des parents et de la famille, dans le campement de Fini-Fini, au sein de la Réserve de Termit et Tin-Toumma au Niger. Avec ses 10 mètres sur 4, elle loge aujourd’hui le jeune couple, mais a pu accueillir jusqu’à 100 invités lors des noces. Sa hauteur, comme toutes les tentes des nomades de la région, permet la station debout, mais a une structure aux angles incurvés, pensée pour résister aux intempéries du désert, comme les tempêtes de sable.

La différence avec les tentes traditionnelles est que sa charpente est non pas en bois mais en acier. Ce modèle innovant d’habitation nomade permet de réduire l’exploitation du couvert végétal, un habitat précieux pour la faune sauvage sahélo-saharienne. Traditionnellement, dans les différents villages et campements de la réserve, la charpente des habitations est constituée majoritairement de bois, tel que l’acacias, le Leptadenia Pyrotechnica et d’autres espèces provenantes du rare couvert végétal. Il est à noter que la durée de vie d’une tente en bois est d’1 à 5 ans.

Louwa Goukouni Hassane avec notre responsable communautaire et le traducteur aux pieds de sa nouvelle tente métallique

Pour construire une tente de 10 mètres par 4, environ 39 arbres sont nécessaires. Ceci a une répercussion considérable sur le couvert ligneux, qui est par ailleurs déjà très fragilisé par l’intensité de plus en plus forte des épisodes de sécheresse liée au changement climatique.

Sans les services écosystémiques rendus par la biodiversité de la réserve, et en particulier par sa végétation, c’est la survie même de la population et de son bétail sur le long terme qui est compromise.

Suite au constat de la dégradation croissante du couvert végétal dans la Réserve Nationale de Termit etTin-Toumma, un projet expérimental a été mis en place sur un site pilote pour que les habitants testent ces logements nomades sans bois. Deux prototypes ont été construits également à côté du Camp Mena (quartier général de la réserve). L’une des deux tentes sert d’infirmerie et de réception des visiteurs à l’entrée du camp, et la deuxième héberge la famille du gardien du cheptel de l’équipe.

À gauche : la tente traditionnelle en bois. À droite : la nouvelle tente à charpente métallique.

 

Le retour d’expérience de Louwa au Campement Fini-Fini

Louwa, son mari et leurs enfants habitent dans la réserve et vivent d’élevage, leur seule source de revenus. Avant l’achat de ce prototype pour leur fille, ils avaient pour habitude de construire régulièrement leur tente en bois.

> Pour construire une tente en bois traditionnelle, de combien de bois aviez-vous besoin?

Pour avoir la quantité suffisante, c’est environ 30 à 40 arbres qui sont déracinés, donc plus de chablis et d’arbres morts sur pied dans la zone de prélèvement.
 

> Le trouviez-vous facilement?

La recherche de bois était très difficile du fait qu’on n’en trouvait plus à proximité des campements. Il fallait à chaque fois voyager loin et longtemps pour en avoir. En plus, cela nous coûtait cher en ressources (nourriture, carburant, énergie) à chaque saison pour construire une nouvelle tente. Si on n’arrivait pas à trouver suffisamment de bois, nous l’achetions sur les marchés locaux, comme de celui de Tesker.

Les angles de la charpente ont été arrondis pour offrir moins de résistance au vent.

> Combien de km deviez-vous parcourir pour le trouver?

Nous parcourrions 80 à 100 km dans la réserve (vers Kandil Bouzou). Dans le temps, le bois prélevé était transporté à dos d’âne ou dromadaire, mais on utilise maintenant des véhicules 4×4.
 

> Comment avez-vous été informés de la possibilité de commander une tente à charpente métallique?

Nous avons eu l’information lors d’une des campagnes de sensibilisation de l’ONG Noé sur l’importance des arbres et de la faune sauvage. Lorsque nous avions besoin de cette charpente pour le mariage de notre fille, des agents de Noé nous ont mis en contact avec le fabricant basé à Gouré.

Les tentes à charpente métallique permettent la station debout.

> Quelles sont les différences entre la tente en bois et la tente à charpente métallique?

Pour la tente à structure métallique, les avantages sont inestimables !
La tente est plus confortable que la traditionnelle grâce à sa hauteur. De plus, malgré le fait que la charpente métallique soit plus coûteuse que celle en bois, elle dure bien plus de temps. Elle peut permettre à une famille d’économiser ses ressources pendant des années sans avoir à la renouveler.
La tente en bois coûte 150 000 FCFA (environ 230€) si l’on prend en compte le prix du bois sur le marché ou le carburant pour se rendre sur le lieu du prélèvement et la nourriture à consommer.

La charpente métallique nous a été confectionnée à Gouré pour 250 000 FCFA (environ 380€) hors main d’œuvre du charpentier. C’est donc un investissement rapidement amorti (le revenu annuel moyen des ménages qui sont généralement de 6-7 personnes dans la réserve tourne autour de 2 millions de FCFA (3050€) tandis que les revenus minimal et maximal vont respectivement de 200 000 à 7 millions de FCFA, donc 300€ à 10600€, ndlr).

> Est-ce que vous conseilleriez cette tente à vos proches?

Oui. Depuis son installation, au moins cinq personnes sont venues la visiter, et sont toutes intéressées. C’est pourquoi je les ai encouragées à en acheter, à cause aussi des impacts négatifs de la coupe de bois.

 

Vu le succès de ces prototypes, 37 autres charpentes métalliques sont en cours de construction dans une menuiserie de Gouré, et une distribution ultérieure sur base volontaire sera faite auprès des communautés de la réserve.

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